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mercredi 25 décembre 2013

23 décembre 2013 : Tribune dans Libération


Libération / 23 décembre 2013
Flashball, peur et mutilation
TRIBUNE.
PAR CLÉMENT ALEXANDRE, FLORENT CASTINEIRA, JOAN CELSIS, JOHN DAVID, PIERRE DOUILLARD, JOACHIM GATTI ET SALIM BLESSÉS ET MUTILÉS PAR LA POLICE FRANÇAISE

Nous avons en commun le fait d’avoir été blessés et mutilés par la police française après avoir reçu un tir de flashball en pleine tête. Etre touché par une de ces armes, c’est s’effondrer, être évacué, hospitalisé et subir par la suite un nombre considérable d’interventions chirurgicales lourdes qui s’étendent sur plusieurs mois. Les lésions sont nombreuses et irréversibles : œil crevé, décollement de la rétine, enfoncement du plancher orbital, multiples fractures, dents cassées, joue arrachée, etc. Pour plusieurs d’entre nous, l’implant d’une prothèse a été nécessaire. Sans parler des migraines, des cauchemars et de la peur chevillée au corps. A Marseille, un homme, Mostefa Ziani, est mort d’un arrêt cardiaque après avoir été touché en plein thorax. Le flashball peut donc tuer à bout portant et il produit des dommages qui ne sont en rien des accidents. Les mêmes causes entraînant les mêmes effets, équiper la police avec ces armes, c’est lui reconnaître le droit de mutiler. Ce qu’elle a bien compris.
S’il n’existe aucune réparation possible, il est difficile de laisser le terrain libre à la violence policière. Plusieurs d’entre nous ont porté plainte contre l’auteur du tir. Sans succès. A Nantes, le policier qui a tiré sur Pierre Douillard en 2007 et dont l’identité est clairement établie bénéficie d’une relaxe : sa responsabilité ne peut être engagée puisqu’il a obéi à un ordre. A Toulouse par contre, pour Joan Celsis, blessé en 2009, le juge ordonne un non-lieu au motif cette fois que l’identité du tireur n’est pas établie. A Montreuil, pour Joachim Gatti, le procureur bloque le dossier depuis maintenant deux ans. Sans surprise, la justice couvre la police. Il y a belle lurette en effet que l’action de la police s’est affranchie du droit. Pour le flashball, les distances de sécurité et les zones autorisées ne sont jamais respectées, pas plus que le tir ne correspond à un état de légitime défense comme le prescrit pourtant la réglementation officielle.
Face aux limites du pénal, nous nous sommes lancés dans une nouvelle procédure. Clément Alexandre, le collectif Face aux armes de la police et leur avocat, Etienne Noel, ont déposé en octobre 2012 une requête au Tribunal administratif qui consiste à attaquer directement la responsabilité du préfet de police et plus seulement le policier qui tire en pleine tête, même si celui-ci mérite tout notre mépris. Pour la première fois, l’Etat a été condamné mercredi, le 18 décembre, à verser une indemnité et sa responsabilité est reconnue, tout comme le lien entre la blessure et le flash-ball. D’autres jugements sont attendus. Nous pensons que sur le terrain juridique, il est capital de multiplier ce type de riposte.
Toutes ces blessures rendent lisible la façon dont la police maintient l’ordre. Chaque fois derrière nos noms propres, il y a des complicités et des amitiés - souvent des luttes. A Nantes, des lycéens et des étudiants occupent un rectorat. A Toulouse, des dizaines d’étudiants sortent d’un Monoprix sans payer pour protester contre la précarité étudiante. A Montreuil, des habitants se rassemblent contre l’expulsion d’un squat. Et des lycéens bloquent leur établissement pour protester contre une énième réforme des retraites. A Notre-Dame-des-Landes, des milliers de personnes résistent à un projet d’aéroport : parmi les centaines de blessés, certains se retrouvent avec des bouts de métal sous la peau. A Strasbourg, des métallos manifestent contre ArcelorMittal. A Montpellier, c’est un groupe de supporteurs qui est visé. Dans les quartiers populaires, le flashball fait partie de la vie quotidienne et intervient systématiquement quand les habitants se révoltent contre la violence de la police. C’est le cas à Trappes pour Salim, qui cet été, a eu le malheur de se trouver à proximité du commissariat où des habitants protestent contre une arrestation musclée. Mais aussi à Montbéliard, Villemomble, etc.
Ce que la langue policière appelle littéralement «neutraliser une menace» désigne de toute évidence la nature réelle du flashball : écraser et faire taire ce qui échappe au pouvoir. C’est là le travail normal de la police. Mais ce qui est nouveau, c’est la méthode utilisée. Le flashball est le nom d’un nouveau dispositif politique qui repose sur la peur et la mutilation - en un mot la terreur. Il s’agit cette fois de frapper les corps mais aussi les cœurs et les esprits en nous marquant dans notre chair et dans celles de nos amis. Présenté comme défensif, le flashball est clairement une arme offensive qui donne à nouveau à la police le pouvoir de tirer sur la foule. Le déploiement de la violence policière, en l’état actuel du rapport de force, ne doit pas entraîner la mort. Mais la police doit être assurée de rester la plus forte pour que l’ordre soit maintenu.
Cette militarisation des opérations de police exprime la vérité d’une époque : le développement de ces armes depuis maintenant dix ans s’explique par le fait qu’elles ont manqué dans certaines émeutes. Qu’en Tunisie, une foule déterminée puisse faire tomber un gouvernement dont la longévité semblait assurée indique assez l’angoisse qui habite le pouvoir à tout moment. Le terrain d’intervention véritable du flashball, c’est la révolte.
En maintes occasions, la police se présente comme un obstacle - à nos mouvements, à nos désirs et à nos luttes. La question de savoir comment le défaire mériterait d’être prise au sérieux. Si les blessures se produisent toujours dans des moments de tension, se défendre et se protéger devient une question pratique dont la nécessité a pu être éprouvée en Grèce, comme à Notre-Dame-des-Landes où des boucliers sont apparus ; de la place Tahrir à la place Taksim, où des milliers de manifestants venaient casqués. Quand Michèle Alliot-Marie propose d’exporter le savoir-faire de la police française en Tunisie, nous pensons plutôt à importer la puissance des révolutions arabes.
C’est parce que nous demeurons attachés à nos luttes et à nos amitiés que nous ne nous laisserons pas terroriser par le flashball. Là où nous sommes attaqués, il y a à riposter collectivement pour être capable de penser et de contrer les pratiques policières. Et ça, on ne le fait pas dans l’enceinte d’un tribunal, mais on l’élabore avec tous ceux qui les subissent. Ici, comme ailleurs, ce qui relève du possible dépend d’un rapport de force. Nous lançons un appel à toutes les personnes blessées avec la certitude que nous avons plus à partager que nos blessures.
Pour Salim, ce sont ses proches qui signent la tribune. Contact : http://faceauxarmesdelapolice.wordpress.com

jeudi 5 décembre 2013

Mayotte : le gendarme renvoyé aux assises : article du journal de la Réunion

 clicanoo.re / Le journal de la Réunion

Affaire Nassuir Oili : le gendarme attendu aux assises

Nassuir Oili, lorsqu’il a été hospitalisé à l’hôpital de Saint-Pierre.
La famille de l’enfant tente avec difficulté d’y retourner avec lui pour poursuivre les soins.

 
Il invoque la légitime défense. Les trois ans d’enquête ont conclu à un crime. Le gendarme qui a crevé l’œil d’un petit garçon à Mayotte sera jugé par une cour d’assises. L’instruction a permis de révéler d’autres violences commises par certains de ses collègues contre un autre enfant.
Un criminel et trois délinquants en uniforme. Le juge d’instruction en charge de l’affaire Nassuir Oili a tranché. Les gendarmes impliqués dans la mutilation de ce Mahorais de 11 ans devront répondre de leurs actes devant une cour d’assises et un tribunal correctionnel d’ici quelques mois. L’ordonnance de renvoi, délivrée le 7 octobre dernier par le juge Marc Boehrer, accuse Boris Roumiantseff de crime de violences aggravées ayant entraîné une infirmité permanente. En clair, avoir crevé l’œil droit du petit garçon par un tir de flash-ball. C’était il y a trois ans, à Mayotte. À l’époque, l’île vit au rythme de manifestations et d’émeutes contre la vie chère. Des militaires ont été envoyés de métropole en renfort. Boris Roumiantseff fait partie du peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (psig). Le 7 octobre 2011, ce natif de Clermont-Ferrand de 33 ans patrouille avec des collègues sur le port de Longoni. Ils essuient des jets de pierre de la part de manifestants, adultes comme enfants. Ambiance tendue. Le chef du Psig, repérant une dizaine de marmailles jouant sur la plage, se dirige vers eux. La plupart se dispersent, apeurés. Le major en attrape un et le sermonne. « Tu devrais rentrer chez toi », conseille-t-il à Nassuir Oili, 9 ans alors. Il le lâche et tourne les talons, prêt à rééditer l’opération avec un enfant encore dans les vagues. Une détonation retentit. L’adjudant Boris Roumiantseff, posté à une douzaine de mètres, vient de tirer sur Nassuir Oili. L’œil droit de l’enfant est en sang. Il ne pourra plus jamais s’en servir.

Pendant qu’il tire, un collègue gifle un autre enfant et l’attache

Tout au long de sa garde à vue, le militaire affirmera avoir voulu défendre son supérieur, et avoir visé le ventre. Le petit garçon s’apprêtait selon lui à jeter un caillou sur son collègue, et n’aurait pas obtempéré à ses sommations. Sa victime, transportée en urgence à l’hôpital de Saint-Pierre à la Réunion pour se faire opérer, nie toute tentative d’agression. La mise en accusation de Boris Roumiantseff s’appuie sur une note de la direction générale de la gendarmerie à propos de l’utilisation de flash ball : « Il appartient au militaire de ne pas (y) recourir quand la personne en cause présente un état de vulnérabilité manifeste ». Difficile de plus coller aux termes : des gendarmes harnachés pour les émeutes, contre un enfant d’1,35 mètre et 24 kilos. Même équipé d’une pierre. Le militaire persiste encore aujourd’hui à clamer sa bonne foi. « Il n’a pas eu l’impression de démériter : il considère qu’il a fait un acte qui rentrait dans ses fonctions », soutient l’un de ses avocats, Me Laurent-Franck Lienard. Selon le conseil, son client, sous contrôle judiciaire depuis et privé de terrain, est « maltraité depuis le début par l’institution judiciaire ». Son renvoi devant la cour d’assises de Mayotte le fait fulminer, mais ne l’étonne pas. Me Saïd Larifou, chargé par la famille de Nassuir Oili de le défendre, se félicite de cette décision. « Il s’agit d’une mutilation. D’une violence gratuite, que la partie adverse a voulu justifier. Soit disant il s’agit de légitime défense. Mais c’est une insulte à la vérité. Le garçon était sur la plage pour jouer. Rien d’autre. » Les différents témoignages recueillis lors de l’enquête, même parmi les collègues de l’accusé, n’évoquent en effet à aucun moment de l’agressivité d’un groupe d’enfants présents au passage de la patrouille. C’est même plutôt l’inverse. Alors que Boris Roumiantseff utilisait son flashball, l’un de ses collègues donnait une gifle à un camarade de Nassuir Oili, âgé de 8 ans, avant de lui attacher les poignets avec du Serflex et le forcer à monter dans son véhicule. Première version du chef Bruno Robert : il voulait intimider le marmaille et obtenir le nom de meneurs d’émeutes. Deuxième version : il voulait éviter un accident, ayant fait asseoir sa victime à côté d’une caisse de grenades. Bruno Robert devra s’explique au tribunal correctionnel pour violence sur mineur. Deux de ses collègues l’accompagneront à la barre. Présents à ce moment, ils n’ont rien fait pour défendre le petit garçon.

Emeraude Zorer

Clément et le Prêfet de police assigné : article de Médiapart

Flashball: le préfet de police de Paris assigné

|  Par Louise Fessard

Blessé par un tir de flashball le 21 juin 2009 à Paris, Clément Alexandre, un Rouennais de 30 ans, a assigné le préfet de police de Paris devant le tribunal administratif mardi. Une démarche inédite qui vise selon le jeune homme à « taper à un niveau de responsabilité plus élevé que celui de la responsabilité individuelle du flic ».

Blessé par un tir de flashball le 21 juin 2009 à Paris, Clément Alexandre, un Rouennais de 30 ans, a assigné le préfet de police de Paris devant le tribunal administratif. Une démarche inédite qui vise selon le jeune homme à « taper à un niveau de responsabilité plus élevé que celui de la responsabilité individuelle du flic ».

Généralisé en 2004, le flashball superpro est jugé très imprécis.Généralisé en 2004, le flashball superpro est jugé très imprécis. © Jacky Naegelen/Reuters
 
Le 21 juin 2009, lors de la fête de la musique, Clément Alexandre s’effondre, touché à la joue par un tir, alors que des policiers tentent d’évacuer la foule de la place de la Bastille. Les témoignages de ses amis évoquent « un mouvement de foule » à la vue des policiers armés de flashball et des tirs « sans aucun discernement ». Aucun n’a entendu de sommation. L’un d’eux affirme avoir également reçu un tir dans le dos. Ce soir-là, plusieurs autres personnes victimes de tir de flashball ont été prises en charge par les sapeurs pompiers de Paris entre 0 h 00 et 0 h 30. Les fiches d’utilisation fournies par la préfecture de police montrent que trois policiers de la brigade anticriminalité ont fait usage de leurs flashballs à 22 reprises au total. Selon la version policière, les fonctionnaires auraient riposté à des jets de projectiles. Après s’être réfugié dans un café, Clément Alexandre, la joue gauche en sang, est pris en charge par les pompiers et arrive aux urgences à 0 h 21. Il y croise « un homme d'un quarantaine d'années, qui avait eu le lobe de l'oreille arraché par un tir ». Le jeune homme souffre, lui, d’une fracture à la mâchoire qui nécessitera la pose d’une broche, de multiples plaies à la joue, ainsi que de deux dents fêlées. Ce qui lui vaut 45 jours d’ITT. Il ne lui reste plus aujourd'hui que quelques cicatrices sur la joue gauche, encore visibles sous sa barbe de trois jours, et... une dent arrachée deux jours avant l'audience de ce mardi 3 décembre 2013.

Clément Alexandre n’est qu’un blessé parmi d’autres. Selon notre décompte (lire ici), depuis la généralisation en 2004 du flashball parmi les forces de l’ordre françaises, une vingtaine de personnes ont été grièvement blessées, pour la plupart au visage. Parmi elles, quatorze ont perdu un œil. Et un homme, atteint à très faible distance au thorax dans un foyer de travailleurs immigrés à Marseille, est décédé en décembre 2010. Mais seul un fonctionnaire a été condamné, un policier qui a écopé en janvier 2011 de six mois de prison avec sursis pour avoir éborgné six ans plus tôt un adolescent de 14 ans aux Mureaux. Les procédures pénales se heurtent souvent à l’impossibilité d’identifier le tireur et au mur de silence de sa hiérarchie. « À chaque fois, au pénal, les gens sont déboutés, et même à Nantes (un lycéen de 16 ans avait perdu un œil en 2007 - ndlr), lorsque le policier avoue avoir tiré, il est relaxé, car il a obéi à un ordre de sa hiérarchie », constate Clément Alexandre.

C’est donc également par souci tactique que le jeune homme et son avocat Me Étienne Noël ont choisi d’attaquer la responsabilité de l’État au tribunal administratif, en réclamant 26 000 euros de préjudice. L’avocat pénaliste est familier de la justice administrative qui lui a permis de faire condamner la France pour ses conditions de détention en prison à de multiples reprises. « Depuis 1999, j'ai fait condamner tous les ministres de la justice, de gauche ou de droite », se targuait-il récemment dans un portrait de L’Express.

Dans le cas de Clément Alexandre, l’expert médical désigné par le tribunal administratif a prudemment estimé que la blessure, qui présente un aspect de brûlure circulaire, était « compatible avec celle qui serait occasionnée par un tir de flashball ». Une analyse confirmée par l’expert balisticien. Malgré cela, le 13 août 2013, la préfecture de police de Paris a refusé la demande d’indemnisation du blessé. Selon la préfecture, les fiches d’utilisation du flashball remplies par les policiers de la BAC sont datées du 22 juin à 0 h 30, alors que le jeune homme a été pris en charge aux urgences à 0 h 21. Une interprétation jugée, mardi 3 décembre, « peu crédible » par le rapporteur public qui rappelle que les pompiers sont intervenus dès minuit pour des tirs. Et que les policiers ne remplissent pas « dans le feu de l’action » leurs fiches.

Pour lui, le jeune homme a bien été touché par un tir de flashball qu’il qualifie d’« accidentel ». Le rapporteur public considère que les dommages causés sont « directement consécutifs aux agissements des forces de l’ordre », mais qu’il n’y a pas de faute lourde qui engagerait la responsabilité de l’État. En effet, il n’est pas, selon lui, établi que les policiers aient tiré hors du cadre réglementaire. Le jugement devrait être rendu dans une quinzaine de jours.

Le rapporteur conclut donc à la condamnation de l’État, sous le régime de la responsabilité sans faute. Il s’agit d’une disposition du code des collectivités prévoyant que « l’État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis (…) par des attroupements ou rassemblements ». Le tribunal a été prié d’accorder 6 600 euros de dommages, la prise en charge des expertises ainsi que 2 000 euros pour les frais de justice.
Pour Me Noël, ces conclusions ne vont pas assez loin. D’abord car « rien ne laisse supposer l’existence d’un délit préalable qui justifie l’emploi du flashball » et donc que les policiers aient agi en état de légitime défense. Et, selon lui, le flashball devrait rentrer dans la catégorie des armes « comportant des risques exceptionnels », puisqu’il provoque de « manière presque systématique des blessures à la tête ». Une jurisprudence du Conseil d’État de 1949 prévoit que lorsque les forces de l’ordre font usage « d’armes ou d’engins comportant des risques exceptionnels », il suffit d’une faute simple pour que la responsabilité de l’État soit engagée. Jusqu’ici cette jurisprudence n’a été appliquée qu’à des armes à feu, jamais pour des lanceurs de balle de défense.

La préfecture de police n’avait pas déposé de mémoire en défense. Et aucune représentant n’a daigné se déplacer au tribunal mardi, un « désintérêt malvenu », a regretté le rapporteur public. Plusieurs personnes ou proches de victimes de tirs de flashball, comme Joachim Gatti ou un cousin du jeune Salim, éborgné à Trappes cet été, étaient en revanche présents. Le collectif « face aux armes de la police » espère en effet faire boule de neige. Une procédure administrative a déjà été lancée pour Pierre Douillard, le lycéen de Nantes.

Dans un rapport en mai, le Défenseur des droits s’était interrogé sur l’avenir du flashball superpro, le lanceur de première génération jugé trop imprécis et responsable de plusieurs blessures graves. Mais son successeur le LBD 40×46, plus puissant et précis, est également à l’origine de bavures. Le porte-parole du collectif, un autre Pierre, entend dépasser le « caractère individualisant des blessures » pour s’interroger sur « la logique de l’arme ». « On se rend compte que ces tirs ont lieu lors d’opérations de maintien de l’ordre dans les quartiers populaires, lors de mouvements politiques, lors d’une fête de la musique ou contre des supporteurs, explique-t-il. Donc contre certains groupes. Pourquoi ces groupes sont-ils considérés comme une menace à chaque fois ? Le flashball est une arme à neutraliser des menaces politiques. » « Le flashball est présenté comme une arme de défense, alors que c’est clairement une arme offensive, estime Clément Alexandre. Là où la police dégainait rarement, ils peuvent maintenant dégainer de façon plus fréquente. C’est ce qui se passe tous les jours en banlieue. »

Mayotte : Gendarme renvoyé aux assises : article Médiapart

Flashball : un gendarme renvoyé devant les assises
 
|  Par Louise Fessard

Le gendarme qui, le 7 octobre 2011, a éborgné avec son flashball un enfant de 9 ans à Mayotte, est renvoyé devant la Cour d’assises de Mayotte pour « violences aggravées ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ». C’est une première.
Boris Routmiantseff, l’adjudant de gendarmerie, qui le 7 octobre 2011 avait éborgné avec son flashball un enfant de neuf ans à Mayotte, est renvoyé devant la Cour d’assises de Mayotte. Marc Boehrer, le juge d’instruction de Mayotte chargé du dossier, a rendu le 7 octobre 2013 une ordonnance de mise en accusation pour « violences aggravées ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ». C’est la première fois qu’un fonctionnaire va comparaître devant les assises suite à un tir de flashball. Trois autres gendarmes sont quant à eux renvoyés devant le tribunal correctionnel pour des violences moins graves sur un autre enfant, âgé de huit ans.

En octobre 2011, une grève générale contre la vie chère secouait l’île de Mayotte, devenue quelques mois plus tôt le 101e département français. Plusieurs barrages, érigés par des manifestants parfois très jeunes, coupaient les routes, et des scènes de pillage avaient eu lieu. Dans la matinée du 7 octobre, en mission de protection des installations du port de Longoni, cinq militaires du peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) avaient essuyé des tirs de pierre, de bouteilles et de cocktail Molotov en essayant de déloger un barrage. En tenue d’émeute, les gendarmes étaient ensuite repartis en direction de la plage de Longoni, où des enfants âgés de 8 à 13 ans se baignaient. « En apercevant les véhicules de gendarmerie arriver, les enfants prenaient la fuite en tout sens », indique l’ordonnance de mise en accusation. Qui précise que le groupe paraissait « sans rapport avec les coupeurs de route et les caillasseurs ».

Le chef du PSIG attrape l’un d’eux, Nassuir, le sermonne et le relâche rapidement « constatant que l’enfant ne présentait aucun danger compte tenu de son âge et de sa corpulence (1,35 m et 24 kilos) ». À peine a-t-il tourné le dos pour rattraper un de ses petits camarades, qu’une détonation retentit. Posté à une douzaine de mètres, l’adjudant Routmiantseff, âgé de 33 ans, vient de tirer sur Nassuir. Expérimenté et sorti major de sa promotion de sous-officiers en 1998, le militaire affirme avoir fait une sommation, après avoir vu l’enfant saisir une pierre au sol pour la lancer à son chef. Il assure également avoir visé l’abdomen, mais c’est en pleine tête que l’enfant reçoit la balle en caoutchouc. Le défenseur des droits a réclamé en mai 2013 la disparition du flashball superpro, arme jugée trop imprécise et à l'origine de nombreuses mutilations.

Sans se soucier plus de Nassuir, qui a l’œil en sang, les gendarmes retournent à leur course-poursuite. C’est un pompier, alerté par une passante, qui secourt l’enfant « qui rampait sur les galets en direction de la mer » selon le Défenseur des droits. Évacué à l’hôpital Saint-Pierre à la Réunion, Nassuir a perdu son œil et a dû subir plusieurs opérations pour retirer les débris. L’enfant dément avoir tenté de lancer une pierre et dit n’avoir entendu aucune sommation. « Même les collègues du gendarme n’ont pas vu le jeune jeter un galet, remarque Me Saïd Larifou, avocat de la famille de Nassuir. Il n’y avait aucune raison de le mutiler, il s’agit de violences gratuites. Le gendarme mis en cause refuse de s’expliquer et la famille de Nassuir le vit très mal. » Pour l’avocat du gendarme, Me Laurent-Franck Lienard, « le tir de flashball visait précisément à protéger son collègue qui ne voyait pas ce que faisait l’enfant puisqu’il lui tournait le dos ». Selon lui, « on a mis la pression à l’enfant et on lui a dit ce qu’il avait à dire ».

La note de la gendarmerie du 18 février 2011, qui fixe le cadre d’emploi du flashball superpro, interdit tout tir au-dessus des épaules sauf en situation de légitime défense. Et demande aux militaires « lorsque les circonstances le permettent » de ne pas recourir au flashball « quand la personne en cause présente un état de vulnérabilité manifeste (âge de la personne visée) ». Pour Me Laurent-Franck Lienard, qui évoque « une instruction complètement à charge », cette note express n’a aucune portée juridique. Le code de la défense prévoit quant à lui quatre cas où les gendarmes peuvent utiliser la force armée : légitime défense, défense d’un point, fuite malgré des sommations, ou immobilisation de véhicules refusant d'obtempérer. Pour le juge d’instruction, « aucun élément ne permet de conclure que les militaires de la gendarmerie ont été pris à partie par quiconque au moment de leur arrivée sur la plage » et donc que l’adjudant ait fait usage de son arme dans le cadre légal. Sous contrôle judiciaire et interdit de port d’armes, le militaire est aujourd’hui affecté à des tâches administratives en métropole, indique son avocat.

Trois autres gendarmes du PSIG ont eux été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour des violences commises le même jour sur un camarade de Nassuir. Revenus bredouilles de leur course-poursuite sur la plage, deux gendarmes tombent sur cet enfant de huit ans. Comme il se débat, l’un d’eux le gifle, le traîne dans le sable jusqu’à leur voiture et lui attache les poignets avec des liens serflex pour l’interroger. Ce gendarme sera jugé pour « violences sans ITT sur mineur par dépositaire de l’autorité publique ». Ses deux collègues, qui ont assisté à la scène sans réagir, sont renvoyés pour « non-empêchement d’un délit contre l’intégrité corporelle ».

Clément et le Préfet de police assigné : article du Monde

Un préfet de police assigné pour un tir de Flash-Ball

LE MONDE | 03.12.2013
Par Laurent Borredon

La procédure est inédite, et, en cas de succès, elle pourrait faire jurisprudence. Victime d’un tir de Flash-Ball au visage en 2009, à Paris, Clément Alexandre a assigné le préfet de police devant le tribunal administratif. Le but : obtenir une indemnisation –– le jeune homme avait eu la mâchoire fracturée ––, mais surtout arracher une condamnation des pouvoirs publics. Au pénal, les dossiers s’achèvent la plupart du temps par une relaxe ou un non-lieu. Le tribunal devait examiner le dossier mardi 3 décembre.

Clément Alexandre, 30 ans, a été blessé lors de la soirée de la Fête de la musique 2009. Avec des amis, il se trouve pris dans un mouvement de foule, place de la Bastille. Les policiers tentent de dégager la chaussée. Selon la version de la préfecture au lendemain des faits, les forces de l’ordre font l’objet de jets de projectiles. Les autres témoins démentent cette version. Les policiers braquent leurs lanceurs de balles de défense (LBD, aussi appelés Flash-Ball) à quelques mètres des fêtards. Clément Alexandre s’effondre, touché. A l’hôpital, un médecin note des « plaies multiples faciales » et une « fracture de la branche horizontale de la mandibule ».

Le jeune homme se tourne alors vers Me Etienne Noël. L’avocat rouennais est l’un des pionniers du droit pénitentiaire en France. Insalubrité, surpopulation, il est le premier à avoir fait condamner l’Etat devant la juridiction administrative pour des conditions de détention indignes. Il compte des centaines de jugements à son actif. Il se propose d’appliquer la même méthode pour le Flash-Ball. « A mon sens, la voie pénale est une erreur, explique-t-il. A Nantes [où un lycéen avait perdu l’usage d’un œil à la suite d’un tir, en 2007], le policier a été relaxé au motif qu’il avait la permission de sa hiérarchie. »

« RECOURS DISPROPORTIONNÉS »

Le recours devant le tribunal administratif permet de contourner cet écueil, en engageant justement « la responsabilité du supérieur hiérarchique », selon Me Noël. « Sur le plan symbolique, ça me paraît beaucoup plus fort, assure-t-il. Faire condamner revient alors à porter un débat global sur ces armes. » « L’intérêt de cette procédure réside dans son efficacité probable par rapport aux procédures pénales », ajoute M. Alexandre.

Une « efficacité probable », mais pas forcément une plus grande rapidité. Il a d’abord fallu obtenir la nomination d’un expert, qui a établi que la blessure ne pouvait avoir été causée que par un LBD. Puis Me Noël a déposé une demande d’indemnisation – pour plus de 20 000 euros – auprès de la préfecture de police. La demande a été rejetée le 13 août 2012, malgré le changement de préfet entre-temps. C’est un recours déposé contre ce refus que le tribunal doit examiner mardi.

Le rapporteur public –– chargé de dire le droit –– s’est prononcé favorablement. La préfecture de police n’a pas déposé de mémoire en défense et n’a pas répondu aux sollicitations du Monde. En cas de succès, le collectif « Face aux armes de la police », qui s’est constitué autour de Clément Alexandre, souhaite diffuser largement la méthode pour « faire pour le Flash-Ball ce que Me Noël et d’autres ont fait pour les prisons ». Une procédure est déjà en cours pour le lycéen de Nantes.

En mai, le Défenseur des droits dénonçait dans un rapport « les recours irréguliers ou disproportionnés » aux lanceurs de balles de défense.

Les utilisations irrégulières des Taser et Flash-Ball dénoncées

Le Monde.fr | 28.05.2013
Par Laurent Borredon

Les Taser et les Flash-Ball ont beau être des "armes non-létales", selon leurs fabricants, ils n'en restent pas moins des armes, dont l'usage est désormais courant chez les policiers et les gendarmes. Pour la première fois, le défenseur des droits a donc décidé de consacrer un rapport général sur ces "moyens de force intermédiaire", rendu public mardi 28 mai. "Le recours à ces armes, assimilé à l'usage de la force, est soumis à une exigence de stricte nécessité et proportionnalité", rappelle le défenseur, qui est régulièrement saisi d'abus, de mauvaises utilisations et de dérapages.

La liste est édifiante, et ne relève pas toujours de dérives individuelles. Certes, ce policier qui a utilisé le Taser, pistolet à impulsion électrique, en mode contact – il a alors un effet paralysant localisé puissant – n'a pas été tout à fait franc lorsqu'il a évoqué l'"attitude hostile" de la personne qu'il souhaitait interpeller. "L'attitude hostile de la personne s'était en réalité manifestée par le fait de relever ses couvertures et de s'asseoir sur son lit", note malicieusement le rapport.

Mais, de manière plus générale, le texte dénonce le développement d'un usage de confort des Taser en mode contact pour faciliter des interpellations et des menottages. Chez les gendarmes, le nombre d'utilisations dans ce cadre est passé de 223 à 360 entre 2009 et 2012, et chez les policiers, de 161 à 229 entre 2010 et 2012. Le ministère de l'intérieur les encourage : il estime l'utilisation du Taser "moins dangereuse pour l'intégrité physique de la personne qu'une intervention physique des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie".

DES "RECOURS IRRÉGULIERS OU DISPROPORTIONNÉS"

Dans l'un des cas cités, le Taser a été utilisé par un gendarme pour permettre d'entraver les jambes d'un homme... déjà menotté et touché par trois tirs. Le tout sous le regard passif de cinq militaires et d'un policier municipal, qui auraient pu, plutôt, "contribuer à la maîtrise de la personne", note le défenseur.

Dans le cadre des interpellations, l'arme continue à être utilisée pour calmer des individus agités, sous l'influence de l'alcool ou de la drogue, alors que ces états "sont susceptibles de réduire, voire annihiler, les effets (...) ou encore de décupler l'état d'énervement de la personne qui en fait l'objet". Le défenseur insiste donc sur un "strict encadrement de l'utilisation du Taser" : "Le fait de recevoir une forte décharge d'électricité conduit à une douleur localisée très intense, ainsi qu'à un traumatisme psychologique et une atteinte à la dignité humaine."

Le défenseur dénonce également les "recours irréguliers ou disproportionnés" aux lanceurs de balles de défense – le Flash-Ball –, qui permet de "riposter instantanément à une agression", et le LBD, une "arme de neutralisation", qui réclame un tir plus cadré. Leur usage est essentiellement policier, et il augmente : 2 573 munitions tirées en 2012, contre 2 224 en 2010.

Les gendarmes le réservent aux stricts cas de légitime défense. Pas toujours très stricts, d'ailleurs : en 2011, un enfant de 9 ans a été gravement blessé à l'œil à Mayotte. Le militaire, casqué et vêtu d'un gilet pare-balles, assure qu'il voulait protéger son camarade : le jeune garçon aurait voulu jeter une pierre. Le problème, c'est qu'il est le seul à avoir vu le danger – qui ne pesait pas lourd, 24 kg pour 1,35 m.

"DOMMAGES COLLATÉRAUX"

Le principal souci des lanceurs réside dans la difficulté de les utiliser en toute sécurité. Actuellement, les policiers et les gendarmes ne doivent pas viser au-dessus des épaules, et il est demandé aux seuls policiers d'éviter le "triangle génital", et aux seuls gendarmes de ne pas tirer dans la zone du cœur. Or, ces armes sont imprécises, notamment le Flash-Ball : dans le cas de Mayotte, l'expert a constaté un écart maximal de 34 cm du point visé, pour un tir de 11 m. Le LBD, réputé plus performant, pose des problèmes récurrents de réglages.

Le défenseur essaie de grignoter, petit bout par petit bout, leurs possibilités d'emploi. Il recommande ainsi de cumuler les interdictions de visée des policiers et des gendarmes, ce qui ne laisse plus grand chose à cibler au-dessus des genoux. Il souhaite proscrire leur usage lors des manifestations, vu le risque de "dommages collatéraux", et pour sécuriser les contrôles d'identité et les contrôles routiers, "notamment en raison de la distance à laquelle se situe le porteur de l'arme des personnes contrôlées, généralement inférieure à sept mètres". Le défenseur cite, là encore, un exemple – un policier qui "trébuche" et tire "involontairement" dans la poitrine de la personne contrôlée, à deux à trois mètres de distance. Bilan : "de sévères contusions cardiaque et pulmonaire, nécessitant quinze jours d'hospitalisation, en réanimation puis en cardiologie". Le policier avait ôté, préventivement, la sécurité.

Au fond, le défenseur se montrerait plutôt favorable à une interdiction de ces armes. Mais il doit se montrer pragmatique devant le refus des policiers de les remettre en cause. Un refus qui confine parfois à la mauvaise foi. Lorsqu'un jeune homme avait perdu son œil à la suite de tirs de Flash-Ball au jugé sur des manifestants, en 2009, le ministère de l'intérieur avait refusé d'envisager des sanctions disciplinaires. Il convenait de tenir compte des "spécificités de la Seine-Saint-Denis", jugeait alors la Place Beauvau.

Laurent Borredon

mardi 3 décembre 2013

Clément et le Préfet de police assigné : article Europe1

Sur le site EUROPE1.fr

Blessé au flashball, il attaque l'Etat

Par Cécile Bouanchaud avec Noémie Schulz
le 3 décembre 2013 à 19h00

Montreuil : abus de flash-ball
Le flashball est utilisé par la police française depuis 2002. © MAXPPP
 
PREMIÈRE - Clément, qui a eu la mâchoire brisée en 2009, poursuit la préfecture de police devant le tribunal administratif.

Faut-il interdire l'usage du flashball par les forces de police ? C'est en tout cas le souhait de Me Etienne Noël qui assigne mardi la préfecture de police de Paris pour demander l'interdiction de cette arme. Le 21 juin 2009, le soir de la fête de la musique, Clément avait été victime d'un tire de flashball qui lui a brisé la mâchoire. Une affaire que son avocat a porté devant le tribunal administratif. Et il s'agit d'une première en France. Ce genre de procédure se déroule en effet généralement au pénal. Et les démarches n'ont jamais abouti.

>> Mise à jour mardi après-midi : Conclusion rendue par le rapporteur public lors de l'audience : Clément Alexandre a "bien été touché par un tir de flashball" et ce tir était "accidentel". Les dommages qu'il a subis sont "directement consécutifs à l'action des forces de l'ordre", mais si la responsabilité de l'Etat peut être engagée les faits sont "insuffisants pour caractériser (sa) faute". Face à cette "responsabilité sans faute", le rapporteur public a donc demandé au tribunal d'accorder au total 6.600 euros de dommages, et 2.000 pour les frais de justice. Le tribunal à mis en délibéré son jugement, qui devrait être rendu dans une quinzaine de jours.

Mouvement de foule place de la Bastille. Tout commence ce soir de juin 2009. La place de la Bastille est noire de monde, compliquant ainsi la circulation des voitures et des transports en commun. Pour fluidifier la circulation, la police intervient sur la place, provoquant un mouvement de foule. Clément, un Rouennais âgé de 25 ans, qui était venu avec quatre amis pour l'occasion, choisit de ne pas céder à la panique et prend doucement la direction inverse de celle des passants.

Clément s'effondre au sol en se tenant la joue. "Les policiers ont alors procédé à des arrestations pendant que d’autres tiraient apparemment indistinctement dans la foule, ce qui a fait monter la tension et la peur d’être pris pour cible", commente une amie de Clément présente sur les lieux de la cohue. Quand soudain, les amis de Clément voient le jeune homme s'effondrer au sol, en se tenant la joue. Rapidement, ils comprennent que leur camarde est touché à la joue par un tir de flashball.

Blessé au flashball, il attaque l'Etat
© Max PPP

La mâchoire brisée et des dents cassées. Ils décident alors d'appeler les pompiers qui l'ont conduit à l'hôpital. Bilan : une joue éclatée, une rupture de la mâchoire et des dents cassées. "Lorsque nous sommes arrivés aux urgences, j’ai constaté que Clément n’était pas la seule victime de blessures occasionnées par les forces de l’ordre. J’ai été déconcerté par la violence de l’intervention des forces de l’ordre. Notre seul tort est d’avoir été au mauvais endroit au mauvais moment", déclare un ami de Clément. 

Une plainte contre l'Etat. Soutenu par un collectif "face aux armes de la police", le jeune homme a donc décidé de porter plainte. Il fait également établir une expertise, qui conclut que ses blessures sont "compatibles avec un tir de flash-ball à courte distance". Comme il est impossible de retrouver le policier qui a tiré, et de le faire condamner au pénal, le jeune homme attaque aujourd'hui le préfet de police de Paris devant le tribunal administratif. Il réclame notamment 10.000 euros d'indemnités à la préfecture de police de Paris. Le but, explique son avocat Me Etienne Noël, c'est de faire reconnaître que le flashball est une arme dangereuse qui doit être interdite.

Blessé au flashball, il attaque l'Etat
© Max PPP

Une arme "qui peut tuer". "Je me souviens d'un ministre de l'Intérieur, en 2005, qui avait dit que le flashball était une arme qui était uniquement destinée à impressionner. On se rend compte qu'elle impressionne, mais qu'elle mutile aussi et peut-être même qu'elle tue. Sachant que les policiers qui l'utilisent sont souvent très mal formés. Je pense que, parfois, certains policiers perdent leurs nerfs et tirent à tort et à travers avec cette arme", déplore l'avocat au micro d'Europe 1.

Proscrite dans les manifestations. Me Étienne Noël cite notamment un avis rendu le 15 février 2010 par la Commission Nationale Déontologie et Décurité (CNDS). Selon l’instance indépendante, l’usage de cette arme doit être proscrit "dès lors qu’il s’agit de sécuriser des manifestations ayant lieu sur la voie publique ". Mais si le flashball est interdit, toute la question sera donc de savoir par quoi il est remplacé. Les policiers amenés à s'en servir soulignent en effet que cette arme est bien moins dangereuse que les armes à feu, ou même les matraques et les gaz lacrymogènes. Pour eux, les flashball comme le Taser sont souvent le moyen d'éviter des incidents beaucoup plus graves.